Questions sur le Califat

بسم الله الرحمن الرحيم

Sommaire

Introduction

Les systèmes laïcs imposés au monde musulman ont montré leurs limites face aux problèmes de plus en plus nombreux qui se posent dans le monde. Ils ne peuvent pas les résoudre puisqu’ils en sont souvent précisément la cause.

En tant que musulmans, nous sommes convaincus que le système islamique est le meilleur système, mais nous soutenons parfois cette idée sans savoir quels types de politiques seraient adoptées, ce qui peut laisser de nombreuses questions dans nos esprits. L’islam est-il vraiment capable de gouverner au XXIe siècle ? L’islam a-t-il des solutions aux problèmes économiques du monde musulman ? Que dit l’islam des relations avec les nations étrangères ? L’islam peut-il résoudre les problèmes sectaires d’aujourd’hui ? Comment un système islamique serait-il établi ? Serait-ce un système responsable et représentatif ?

Le but de cette rubrique est d’apporter des réponses simples à des questions pratiques sur la gouvernance islamique. Ces réponses poussent également à des recherches plus détaillées sur les domaines concernés. D’autres questions réponses viendront alimenter cette rubrique pour couvrir plus de domaines.

A – La gouvernance Islamique

1. La chari’a est-elle dépassée ?

L’islam considère l’être humain comme composé d’instincts et de besoins vitaux, confrontés continuellement à des problèmes pour les satisfaire. Les textes islamiques sont venus s’adresser aux hommes et aux femmes en tant qu’êtres humains de façon général, pas seulement en tant qu’individus vivant dans le désert d’Arabie au VIIe siècle. Les textes islamiques n’abordaient pas l’humanité en relation avec un moment ou un lieu particulier. Les êtres humains d’aujourd’hui sont les mêmes êtres humains qui vivaient il y a 1400 ans et continueront d’être les mêmes êtres humains dans 1400 ans.

Il ne fait aucun doute que le monde d’aujourd’hui est radicalement différent de celui où l’islam a émergé et progressé. Les modes de vie des gens d’aujourd’hui sont différents de ceux du siècle précédent. Dans le passé, les gens vivaient dans des huttes et aujourd’hui nous avons des gratte-ciels. Cependant, nous avons toujours besoin de maisons et de toits au-dessus de nos têtes. Dans le passé, Mouhammad () a envoyé des messagers à d’autres dirigeants à cheval alors qu’aujourd’hui un message pourrait être envoyé par e-mail, messagerie instantanée, SMS et d’autres moyens encore. Mouhammad () et ses compagnons ont mené de nombreuses batailles en utilisant des chevaux, des arcs et des flèches alors qu’aujourd’hui, les guerres sont menées en utilisant la technologie «intelligente», les missiles de croisière et le renseignement par satellite. Dans le passé, les musulmans ont appris l’astronomie pour pouvoir localiser la Qibla où qu’ils aillent, alors qu’aujourd’hui une montre électronique fera l’affaire.

Cela illustre que les êtres humains, en ce qui concerne leurs besoins, sont les mêmes et que les problèmes auxquels ils sont confrontés n’ont pas changé. Tout changement que nous percevons n’est qu’un changement dans les outils ou les appareils que les êtres humains utilisent pour résoudre leurs problèmes.

Le temps seul ne suffit pas pour invalider une pensée, car les idées ne sont jamais spécifiques au temps. Le renouveau de la philosophie, de l’art et de la culture de la Grèce antique a été qualifié de renaissance en Europe au XVIe siècle. La plupart des lois que nous trouvons aujourd’hui dans le monde occidental ont leurs traditions dans des écrits vieux de trois millénaires, qui sont toujours considérés comme valables aujourd’hui. Par exemple:

– La Déclaration des droits des États-Unis, adoptée en 1791, reflète la garantie d’une procédure régulière qui a été prise à la Magna Carta en 1215.
– Le droit civil moderne a été développé sur la théorie de la responsabilité qui a ses origines dans le droit romain.
– La “Common law”, qui est le principe du jugement des affaires par référence à des décisions judiciaires antérieures, tire ses origines du Moyen Âge en droit romain et est influencée par la coutume normande saxonne. Aujourd’hui, il reste une source de législation pour le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada.

De ce point de vue, la démocratie serait définitivement dépassée en raison de ses origines anciennes. Donc, le fait que l’islam soit apparu dans l’Arabie du VIIe siècle n’est pas un argument pour suggérer l’inapplicabilité moderne. Étant donné que les textes islamiques traitent des êtres humains et de leurs problèmes, et non des outils utilisés pour résoudre leurs problèmes, la chari’a islamique est tout aussi pertinente pour l’humanité aujourd’hui qu’elle l’était lorsqu’elle a élevé le peuple d’Arabie.

2. Existe-t-il un État islamique dans le monde aujourd’hui, comme l’Arabie saoudite, l’Iran ou l’Afghanistan (sous les Talibans) ?

Non, les pays musulmans actuels ont mis en œuvre certains aspects de la loi islamique ; les plus courants étant des parties du droit de la famille, mais aucun État ne tire ses lois et ses politiques exclusivement de textes islamiques.

Au Pakistan, la loi islamique est mentionnée afin de régler les problèmes familiaux ou de représenter des préoccupations symboliques pour les sensibilités islamiques, comme c’est le cas avec le débat sur la loi “Houdoud”. C’est le stratagème des gouvernements illégitimes corrompus ainsi que de leurs maîtres occidentaux et des médias pour décrire le régime islamique comme étant dysfonctionnel et incapable de gouverner la société.

L’Arabie saoudite peut faire don de millions d’exemplaires du Noble Coran, de livres islamiques, de beaucoup d’argent pour construire des mosquées et d’autres choses similaires dans le monde entier, elle reste régie par un mélange de lois. Certaines sont islamiques et d’autres sont forgées par l’Homme. Cependant, pour maintenir la perception islamique, elle s’abstient de les appeler lois. L’Arabie saoudite utilise des terminologies spécifiques pour différencier les lois islamiques des lois faites par l’Homme. Dans un livre arabe sur la constitution de l’Arabie saoudite, l’auteur déclare : « Les mots loi (“Qanoun”) et Législation (“Tachri’”) ne sont utilisés qu’en arabe pour faire référence aux règles tirées de la charia islamique. […] Quant à celles faîtes par l’homme, elles sont désignées par systèmes (“Andhima”), instructions (“Ta’limat”) ou édits (‘Awamir) […] ». En dehors de cela, cette Arabie Saoudite est une monarchie héréditaire qui utilise l’assise religieuse comme outil pour contrôler toute opposition à son programme capitaliste et pro-occidental.

Les Talibans n’ont également mis en œuvre que certains aspects de l’islam. Les Talibans, lorsqu’ils ont régné sur l’Afghanistan, ont déclaré ne pas instaurer un système du Califat, qui est le système de gouvernance islamique, mais un émirat, une entité politique qui met en œuvre un ensemble désigné de lois sur ses territoires, sans politique étrangère. Le système islamique applique l’ensemble des règles de l’islam, qu’elles soient économiques, sociales ou de gouvernance, tout en poursuivant une politique étrangère. Le Califat n’est pas un État isolationniste.

La constitution iranienne contient de nombreux articles conformes à l’islam, mais il y en a d’autres qui sont contradictoires avec lui. L’article 6 de la constitution iranienne stipule : « En République islamique d’Iran, les affaires du pays doivent être administrées sur la base de l’opinion publique exprimée au moyen d’élections, y compris l’élection du président, des représentants de l’Assemblée consultative islamique, et les membres des conseils, ou par voie de référendum dans les matières spécifiées dans d’autres articles de la présente Constitution. » Le système de gouvernance islamique – le Califat – est basée uniquement sur les textes islamiques. Ce n’est pas le cas de l’Iran comme il le dit dans sa constitution, “la gestion des affaires du pays est basée sur les opinions des masses à travers les élections”. Dans l’islam, la gestion des affaires du pays est basée sur la chari’a elle-même et non sur les opinions du peuple.

3. La Turquie d’aujourd’hui n’est-elle pas le Califat ?

Aujourd’hui, la Turquie est gouvernée par ce que beaucoup considèrent comme un parti islamique. Il a, apparemment, un islamiste comme président et un islamiste comme premier ministre. Pour cette raison, le modèle de gouvernance turc a gagné beaucoup de publicité et de notoriété. Ce modèle de gouvernance a été salué par de nombreux politiciens et laïcs occidentaux qui croient que la fusion de certaines règles islamiques avec la laïcité est quelque chose avec laquelle l’Occident peut travailler et aimerait voir à travers les pays musulmans.

Fait intéressant dans le monde musulman, le seul modèle connu de la Turquie est le Califat qui a transformé les Ottomans – une bande de combattants – en superpuissance mondiale. En analysant l’affirmation selon laquelle l’AKP représente un modèle de gouvernance islamique, un examen de ses politiques clés montre clairement que l’islam n’a joué aucun rôle dans aucune des politiques de l’AKP autre que la rhétorique transmise aux masses. L’économie et la politique étrangère ont été les principaux symboles de l’AKP, toutes deux motivées par des facteurs autres que l’islam.

Afin de renforcer le soutien à l’AKP, Erdogan a développé des politiques économiques pour apporter de l’argent en Turquie tout en enrichissant l’élite des affaires, ce qui est islamiquement interdit. Le système islamique s’éloigne d’un système occidental d’enrichissement de l’élite vers un système de répartition des richesses. De même, l’islam n’a pratiquement joué aucun rôle dans la politique étrangère de la Turquie. L’exemple le plus évident de cela est la poursuite par Erdogan des relations turques avec Israël, ce que l’Islam interdit expressément. L’AKP n’a utilisé l’islam d’aucune façon dans sa politique étrangère. Plutôt que de rallier les dirigeants musulmans contre Israël (quelque chose que Salahuddin al-Ayoubi a fait) ou même de mettre fin à l’occupation d’Al Quds elle-même – dont la Turquie est capable, Erdogan a poursuivi un ensemble étroit de politiques pragmatiques et les a jonchées de déclarations islamiques.

La Turquie ne représente pas un modèle de gouvernance islamique. Elle est en réalité de nature laïque et nationale comme les nations occidentales.

4. Le Califat sera-t-il démocratique ou sera-t-il une dictature ?

L’État islamique ne sera ni l’un ni l’autre. Les puissances coloniales occidentales ont fait de la question des élections un synonyme de démocratie, alors que ce n’est pas le cas. Le Califat prévoit des élections pour sélectionner à divers postes, y compris celui du calife, mais personne n’a le droit de légiférer à titre individuel ou collectif comme c’est le cas en démocratie. Cela signifie que le peuple est en mesure de choisir ses représentants, mais en même temps, ces représentants n’ont pas le pouvoir de s’écarter de la chari’a et de promulguer des lois corrompues comme l’immunité pour les dirigeants.

Dans l’usage contemporain, la dictature se réfère à une forme autocratique de domination absolue par un leadership non restreint par la loi, la constitution ou d’autres facteurs sociaux et politiques au sein d’un État. Cela contredit la règle islamique car le calife est limité par une multitude de freins et de contrepoids qui restreignent sa domination. Le calife n’est pas non plus au-dessus de la loi, mais il y est soumis comme tous les autres citoyens.

5. Les quatre premiers califes ont été élus, n’est-ce pas la démocratie ?

Lorsque les musulmans parlent de démocratie, ils comprennent généralement que les notions de gouvernement responsable, État de droit et gouvernement représentatif sont synonymes d’élections. Cependant, bien que ces valeurs soient souvent évoquées, elles sont rarement appliquées. l’islam, en permettant de choisir différentes façons pour sélectionner le dirigeant, garantit que ces principes soient préservés. Certains des quatre premiers califes ont été élus tandis que d’autres ont été sélectionnés ou nommés. Si le style différait, ce qui restait constant était que la volonté de la Nation islamique (Oumma) était exercée et la bonne gouvernance préservée.

6. La démocra e libérale n’est-elle pas universelle et commune à tous, y compris aux musulmans ?

Pour le monde occidental, le processus historique qu’ils ont subi est considéré comme l’histoire du monde et est appelé modernité, tandis que toutes les pensées alternatives sont primitives si elles ne correspondent pas au libéralisme occidental (capitalisme).

Pour l’Occident, la « modernité » porte des connotations spécifiques de la mission des Lumières, définie comme l’émancipation de la petite enfance qu’on s’impose, c’est-à-dire de la religion. Cette mission a abouti au développement de la laïcité et à la relégation de l’Église, de ses enseignements et de son dogme à la sphère privée. Cela s’ajouta aux droits de l’homme, à l’égalité et à la liberté. Ensuite, ce processus historique sera qualifié de « modernisme ». Pour les laïcs, l’adoption de valeurs libérales laïques est qualifiée de moderne et tout ce qui n’est pas compatible avec ces valeurs est arriéré et n’est pas différent de l’Église médiévale.

L’universalité du capitalisme est en réalité une idéologie spécifique à l’Occident, un événement qui a eu lieu en Europe et qui est utilisé pour juger le monde musulman. Il est incorrect de le faire, car placer l’islam sur le spectre politique de l’Occident ne sera jamais compatible, car la démocratie libérale est une construction occidentale qui suit leur processus historique, pas le nôtre.

7. L’islam sépare-t-il la religion et la poli que comme la démocratie ?

Non. La laïcité, qui est la séparation de la religion et de la vie politique, est une notion occidentale et étrangère à l’islam. Les textes de la chari’a révélés par Allah (Exalté Soit-Il) dans le Coran et ce qui a été mentionné dans les hadiths sont la source de la législation et sont en aucun cas séparés de la vie politique.

8. Le Califat aura-t-il des élections ?

La nomination du calife se fait par la volonté populaire. La volonté populaire peut être déterminée par divers mécanismes, y compris les élections. Les élections représentent donc un style parmi d’autres dans la nomination du calife. La façon dont les califes bien-guidés ont été nommés montre que de nombreuses méthodes peuvent être utilisées pour élire le souverain.

9. Le Califat aura-t-il un Parlement ?

Le Parlement est une institution du système démocratique qui – parmi ses fonctions – se charge de promulguer des lois. Un député élu – quel que soit la forme du pouvoir selon l’État occidental – assume des tâches clés, telles que : demander des comptes au gouvernement ; promulguer des lois (légiférer) ; accorder un vote de confiance au gouvernement ou élire le président ; approuver les projets et les traités.

Le Parlement peut avoir quelques similitudes avec le Conseil de la Nation « Majlis al-Oumma », car ce sont deux assemblées qui représentent le peuple. Cette comparaison est cependant erronée car le « Majlis al-Oumma » dans l’État islamique ne fait office que de consultation pour le calife, pour discuter des lois et des règles que le calife souhaite adopter, ainsi que demander des comptes aux gouvernants et exprimer sa désapprobation le cas échéant. Ses membres musulmans ont également le droit d’établir la liste restreinte des candidatures au poste de calife. Le Parlement est par contre une institution législative qui contredit fondamentalement l’islam.

10. Existe-t-il d’autres systèmes de gouvernance islamique que le Califat ?

Un examen du Coran met en évidence plusieurs versets qui ont été effectivement appliqués dans différents domaines, qu’ils soient militaires, judiciaires, politiques ou économiques. Ils ont été effectivement mis en œuvre pendant la durée de vie du Messager d’Allah (), la période des califes bien-guidés, ainsi que durant la gouvernance des califes qui les ont suivis. Le Prophète () a confirmé que le Califat était le système de gouvernance de l’islam, lorsqu’il a déclaré dans un hadith: « Les enfants d’Israël étaient gouvernés par les Prophètes, chaque fois qu’un Prophète décédait, un autre Prophète lui succédait, or il n’y aura plus de Prophète après moi. Il y aura bientôt des califes et ils seront nombreux. » Les compagnons demandèrent: « Que nous ordonnes-tu alors? ». Il répondit: « Donnez-leur l’allégeance (al-bay’a), l’un après l’autre et donnez-leur leur dû car Allah leur demandera en vérité des comptes sur ce qu’il leur a confié. » (Rapporté par Bukhari et Muslim)

11. Le Califat n’a-t-il duré que 30 ans ?

Cette compréhension est généralement construite sur le hadith qui a été rapporté dans le Musnad de l’Imam Ahmad, qui déclare que le Prophète () a dit : « Le Califat dans ma Oumma après moi durera trente ans. Puis il y aura un “mulk” après cela. » Certaines personnes traduisent le mot “mulk” par Royauté. La période du Califat bien-guidé a effectivement duré 30 ans: deux ans et trois mois pour Abu Bakr (ra), dix ans et demi pour Umar (ra), douze ans pour Uthman (ra), quatre ans et neuf mois pour Ali (ra) et six mois pour al-Hasan (ra).

Le Califat lui-même a continué jusqu’à son abolition, le 3 mars 1924, par Mustafa Kemal en Turquie. Le mot “mulk” a de nombreuses significations et les célèbres dictionnaires arabes, tels que “al-Muhit” de Fairuz Al-Abadi, l’illustrent clairement. Le mot “mulk”, entre autres, signifie royauté, mais il signifie aussi celui qui a la charge de tout le peuple, aussi le terme “hukm” (jugement) est synonyme du mot sultan (autorité) et mulk (domination /jugement). Ainsi, 30 ans après, le Califat n’a pas pris fin. Cela peut être mis en évidence par les positions de grandes personnalités comme les savants de référence tels que l’imam Abu Hanifa et son élève l’imam Abu Yusuf. Lorsqu’il est concilié avec d’autres preuves qui montrent clairement que l’application de l’islam a continué après 30 ans, il devient clair que le Califat bien-guidé a pris fin après ces 30 ans, mais que le Califat en lui-même, a continué. Alors que la fermeté dans l’application de l’islam a traversé différentes phases de l’histoire, de la mauvaise application à la force, les textes islamiques – la chari’a – sont toujours restés la source des lois jusqu’aux dernières années des Ottomans.

12. L’imam Mehdi n’est-il pas prophétisé comme étant celui qui rétablira le Califat ?

Non, les preuves islamiques qui mentionnent l’arrivée de l’Imam Mehdi indiquent que le Califat existera déjà. Il suffit de citer le célèbre hadith d’après Oum Salamah rapporté par de nombreux savants du hadith dans leurs livres et qui affirme clairement ce fait. En effet, Abu Dawud a rapporté dans son Sunan, At-Tirmidhi dans son Jaami’ ah, l’imam Ahmad dans son Mousnad, Ibn Maaja dans son Sounan, AnNasaa’i dans son Sounan, Al-Bayhaqii dans « Al-Ba’ath wan-Noushour » et d’autres encore d’après Oum Salam, épouse du Prophète () qu’il a dit: « Il y aura une divergence à la suite de la mort d’un calife. Un homme de Médine sortira fuyant à La Mecque, et les gens de La Mecque le présenteront comme candidat à la fonction de calife contre sa volonté et lui jureront allégeance entre le coin de la Ka’bah dans lequel se trouve la pierre noire et la Station d’Ibrahim. Un corps expéditionnaire sera envoyé contre lui de Sham (Syrie) et la terre les engloura dans le désert sans eau entre La Mecque et Médine. »

13. Le Califat n’est-il pas une théocratie, une gouvernance par les clercs ?

Non ! Les théocraties croient sincèrement qu’il y a un groupe ou des leader infaillibles, possédant un droit exclusif d’interpréter la parole de Dieu, où personne n’a le droit de remettre en doute leur interprétation et toute personne le faisant est condamnée. Le statut de Prophète est une position théologique qu’Allah accorde à qui Il désire. Le calife quant à lui est un poste humain auquel les musulmans nomment qui ils désirent. Le Califat, après le Messager d’Allah (), a été dirigé par des humains qui n’étaient pas des Messagers.

Le système politique islamique n’est pas de nature théocratique. Tout citoyen est autorisé à contester les décisions des savants et du chef de l’État. Dans un hadith, le prophète () a instruit la Oumma sur le sujet de la gouvernance : « Les fils d’Israël étaient gouvernés par des Prophètes ; chaque fois qu’un prophète mourrait, un autre lui succédait mais il n’y a pas de Prophète après moi, il y aura des califes et ils seront nombreux. » Ils demandèrent : « Que nous ordonnes-tu donc ? » Il répondit : «Prêtez-leur serment (bay’ah) l’un après l’autre, et donnez-leur leur dû car Allah leur demandera des comptes sur ce qu’Il leur a confié. »

Dans le monde musulman, certains religieux corrompus ont détourné l’Islam pour leurs propres objectifs politiques. Ils ont utilisé les émotions sincères du peuple pour l’Islam pour gagner une influence politique et ont induit en erreur le peuple ainsi que d’autres savants sincères. Ces individus qui ont tenté de projeter une image selon laquelle ce sont eux qui défendent les intérêts de l’Islam ne sont en fait pas différents des politiciens corrompus qui appliquent le même système politique défaillant. Ces religieux utilisent l’Islam pour accéder au pouvoir tout en l’abandonnant une fois qu’ils ont acquis leurs positions, choisissant de participer au même système séculier défaillant que tous les autres politiciens. Dans le Califat, cela ne sera pas possible car personne, universitaire ou autre, ne pourra accéder au pouvoir en utilisant l’Islam, pour ensuite l’abandonner une fois au pouvoir. En effet, le caractère islamique est une condition fondamentale de la gouvernance qui sera contrôlé par le système judiciaire de l’État.

14. Qui peut devenir calife ?

La politique à travers le monde musulman est malheureusement actuellement basée sur des cultes de personnalité ou dans certains cas autour des dictateurs et de leurs familles ou copains. Personne n’est autorisé à assumer le leadership tant que le chef n’est pas mort, exilé ou emprisonné. Même dans ces situations, le pouvoir est généralement transmis dans la famille comme l’héritage personnel. Dans l’islam, une culture politique de la méritocratie est encouragée par laquelle une personne, indépendamment de ses antécédents financiers, politiques ou familiaux, peut légitimement assumer le leadership. Les critères islamiques pour être éligible au poste de calife sont simplement d’être musulman, homme, libre, majeur, sain d’esprit, intègre, et capable de gouverner.

15. Le calife aura-t-il une durée déterminée ?

Il n’y a pas de durée déterminée pour le calife. La Cour suprême peut le destituer à tout moment, s’il enfreint le contrat constitutionnel de gouvernance ou contrevient à l’une des conditions requises pour diriger. Le contrat bay’ah n’est pas limité dans le temps et la responsabilité n’est pas limitée à une fois tous les quatre ou cinq ans via une urne.

16. Comment le Califat sera-t-il structuré ?

Le Califat est un système de gouvernance unique, basé sur les textes islamiques. Toutes les grandes lignes et une grande partie des détails du Califat sont tirées des actions du Prophète () lui-même et de ses compagnons (Sahabah) après lui. L’État de Califat comprend les institutions suivantes :
1. Le calife
2. Les assistants délégués
3. Les assistants exécutifs
4. Les gouverneurs
5. Le commandant de l’armée
6. La sécurité intérieure
7. Les affaires étrangères
8. L’industrie
9. Le système judiciaire
10. Le système administratif (Les affaires civiles)
11. Le Trésor de l’État (Bayt ul-mal)
12. Les médias (information, communication)
13. Le conseil de la Nation (Majlis ul-Ummah)
17. Comment le calife rendra-t-il des comptes ?

Le calife n’aura pas le luxe de bénéficier de l’immunité face aux poursuites, comme beaucoup le sont dans le monde musulman. Le calife ne sera pas en mesure de révoquer ou de nommer des juges par intérêt politique lors des enquêtes. Cela signifierait que le calife pourrait avoir à rendre des comptes par le biais de plusieurs méthodes, qui seront disponibles pour la société. L’islam a intégré et établi des mesures rigoureuses de responsabilité. La responsabilité en Islam est garantie par les institutions du gouvernement, par l’obligation de créer des partis politiques, par une obligation individuelle à tous les citoyens de prescrire le bien et de proscrire le blâmable, des médias actifs et un système judiciaire dédié qui surveillera les activités du calife et aurait le pouvoir de le démettre de ses fonctions en cas de non application de la loi islamique. En dehors de cela, il existe également une multitude de mécanismes ancrés dans l’islam qui agissent comme des freins et contrepoids et restreignent et réglementent le dirigeant.

18. Comme un calife peut-il avoir des comptes à rendre quand il possède tous les pouvoirs possibles ?

L’Islam ne donne pas au calife tous les pouvoirs. En fait, il existe de nombreux freins et contrepoids qui restreignent et limitent le calife. L’islam confère au calife de nombreux pouvoirs, mais les restreint ensuite par le biais de divers mécanismes.

Le pouvoir du calife de gouverner doit être donné de plein gré par les musulmans à travers le contrat de gouvernance islamique connu sous le nom de bay’ah. Sans cette bay’ah, le calife ne peut pas régner. Après cela, son autorité est limitée par la loi islamique (hukm shar’i), c’est-à-dire qu’il ne peut pas changer ce que les textes islamiques ont défini comme bien ou mal, permis ou interdit.

Les principales conditions de la bay’ah sont que le calife remplisse les sept conditions obligatoires de son poste et qu’il applique la chari’a sur les citoyens du Califat. La violation d’une des sept conditions obligatoires justifie la destitution du calife. Le bay’ah est un contrat et en tant que tel, il est permis d’ajouter des conditions supplémentaires à ce contrat que le calife doit respecter, tant que ces conditions supplémentaires ne violent pas les principes fondamentaux du contrat. Il serait permis de restreindre le calife à certains processus constitutionnels tels que l’habilitation du conseil de la Nation (Majlis ul-Ummah) et du pouvoir judiciaire comme contrepoids au pouvoir exécutif du calife.

Le souverain possède de nombreux pouvoirs exécutifs tels que la nomination de gouverneurs et de sous-gouverneurs, le développement de la politique étrangère de l’État et l’acceptation d’ambassadeurs étrangers. Il est cependant limité à ces derniers et ne peut pas aller au-delà de ce mandat. Le rôle du souverain est restreint à la sphère publique et il lui est donc interdit de s’immiscer dans la vie privée de ses citoyens. Ainsi, alors que le calife détient tous les pouvoirs exécutifs au sein du Califat, ses pouvoirs sont limités par la Chari’a.

19. Le calife peut-il être des tué ?

Oui. l’islam a consacré l’indépendance institutionnelle et décisionnelle du pouvoir judiciaire, ce qui dépasse de loin ce qui est observé dans les démocraties occidentales. L’islam institutionnalise une haute cour indépendante appelée la Cour suprême (mahkamat ul-madhalim). Elle est présidée par les juges les plus éminents et les plus qualifiés (qadi madhalim) et la Chari’a lui accorde de larges pouvoirs. Elle a le pouvoir de destituer tout fonctionnaire de l’État quel que soit son rôle ou son grade, y compris, plus important encore, le calife s’il persiste à poursuivre une voie qui ne relève pas des termes de son bay’ah
(contrat de décision).

Les citoyens ordinaires qui ont une plainte contre l’État peuvent l’enregistrer auprès de la Cour. Ce qui est unique à propos de la Cour suprême, par rapport aux autres tribunaux judiciaires, c’est que le juge d’instruction du gouvernement (Qadi madhalim) a des pouvoirs d’enquête et n’exige pas qu’un demandeur enregistre une plainte avant de lancer une enquête. Ce tribunal surveillera donc en permanence les actions de tous les fonctionnaires de l’État ainsi que la législation adoptée pour garantir sa conformité à la Chari’a et qu’aucune oppression ou injustice institutionnelle (madhlima) ne soit commise contre le peuple.

20. Le calife sera-t-il immunisé face aux poursuites judiciaires ?

L’Islam croit fermement en la primauté du droit, qui est la Chari’a. Personne dans le Califat, y compris le calife, n’est au-dessus de la loi ou n’a l’immunité face aux poursuites judiciaires.

21. Des partis politiques existeront-ils dans le Califat ?

Oui. Actuellement, des partis politiques à travers le monde musulman existent dans le seul but de porter leur personnalité au pouvoir afin qu’ils puissent s’enrichir par la corruption au détriment du peuple. Une fois au gouvernement, ces politiciens corrompus autorisent le meurtre de leur peuple en autorisant les attaques de drones et infligent une pauvreté écrasante au peuple par leur négligence et corruption.

Dans l’islam, la politique est basée sur la gestion des affaires du peuple et sur la mise en œuvre de la Chari’a islamique. La vie, les convictions, la sécurité, l’honneur, la dignité et les biens du peuple sont considérés comme sacrés dans la politique islamique et tout par dont il est prouvé qu’il travaille à l’encontre de ces objectifs ne sera pas permis.

22. Comment le Califat fera-t-il face à la corruption ?

Le problème de la corruption est qu’elle est engendrée à la fois par le système politique et par les dirigeants qui détiennent le pouvoir. En établissant un système politique responsable où aucune législation telle que l’immunité présidentielle ne peut être promulguée, l’État islamique veillera à ce que l’honnêteté et l’intégrité soient maintenues au plus haut niveau de l’État. En suivant l’exemple du Prophète Mouhammad () et en appliquant aux riches les mêmes sanctions qu’aux pauvres, la corruption sera éradiquée à tous les niveaux de la société. L’honnêteté se verra récompensée et établie dans le système politique, du calife lui-même jusqu’au fonctionnaires administratifs locaux.

L’islam sépare l’argent et la politique comme moyen de mettre fin à la corruption. Dans l’islam, le dirigeant n’est pas un employé qui touche un salaire, car il n’est pas embauché par la Oumma. Bien qu’il ne touche pas de salaire, une allocation lui est attribuée par le Trésor pour répondre à ses besoins. Cette allocation est une compensation pour lui car étant occupé par les obligations du Califat il ne peut pas travailler et poursuivre ses propres intérêts commerciaux. Cette allocation est déterminée par le conseil de la Nation (Majlis ul-Ummah) qui décidera par consultation (shura) du montant de l’allocation du calife. Les membres de ce conseil sont les élus de la Nation et leur donner la décision ultime empêche tout abus des fonds publics par le calife.

23. Comment le Califat assurera-t-il la jus ce ?

L’islam garantit la justice par la mise en œuvre de l’islam plutôt que par toute méthode de coercition. En effet, la responsabilité de l’État repose sur un système judiciaire indépendant doté de pouvoirs étendus, y compris la possibilité de révoquer le chef de l’État, les droits individuels de parole et de demande des comptes à tout service ou agence de l’État, la nécessité d’avoir plusieurs partis politiques et d’un conseil de la Nation ayant le pouvoir d’examiner et d’amender la politique, les budgets et les prises de décision de l’État.

Les particuliers ont le droit de demander des comptes à tout organe ou employé de l’État, quel que soit son grade ou son ancienneté, y compris le chef de l’État. Les plaintes peuvent être déposées auprès du bureau de Madhalim qui entamera un processus de validation et de suivi de la procédure régulière pour établir les faits. Ce bureau a le pouvoir de prendre des sanctions. Les individus, musulmans et non musulmans, ont le droit de se rassembler pacifiquement et de manifester. Ils sont également autorisés à rechercher un soutien pour le représenter auprès de l’État.

Il faut reconnaître que les dirigeants qui sévissent actuellement dans le monde musulman ne sont pas une conséquence de l’islam, mais sont apparus après sa disparition. Ils ont remplacé un système avec une longue histoire de stabilité, avec des freins et des contrepoids pour empêcher l’autoritarisme. Cette représentation orientaliste de la psyché musulmane et de la loi islamiques ne reconnaît pas que les dictateurs du monde musulman comme Moubarak, Saddam ou Kadhafi étaient tous des produits de la pensée laïque, qui ont agi pour marginaliser l’islam de la conduite de l’État. Ils manquaient de volonté indépendante et ils ont ancré les intérêts occidentaux dans la région. L’islam libérera les habitants de la région de ce paysage politique profondément enraciné et autoritaire.

Le système de gouvernance de l’islam, une fois mis en œuvre, garantit que chacun reçoit ses droits. La mise en œuvre de l’islam est donc ce qui garantira la justice.

24. Le Califat aura-t-il des services secrets ?

Les services de sécurité du monde arabe sont connus pour leurs méthodes de torture brutales, constituant souvent la seule ligne de défense des dirigeants de la région. Alors que l’Occident utilise ses valeurs de liberté et d’individualisme pour unifier la société, les dirigeants musulmans ont utilisé leurs services de sécurité pour se maintenir au pouvoir.

Le Califat aura un service de sécurité intérieure mais avec un rôle très différent. L’islam a complètement interdit d’espionner ses citoyens, ce n’est pas quelque chose qui peut être changé par une loi du Parlement, ou toute situation de sécurité nationale. La portée, le mandat et la juridiction des organismes chargés de l’application des lois en Islam sont limités, comme indiqué dans de nombreux hadiths. Les agences de sécurité intérieure n’ont pas le pouvoir ni le droit d’espionner ou de rechercher les croyances privées des citoyens. Cela aura un impact sur la collecte de preuves par des moyens secrets, la surveillance et la violation de la vie privée des citoyens. L’intimité de la maison et du citoyen est considérée comme sacré. Leur compétence se limite à faire respecter la juridiction de l’État, ce qui relève des affaires publiques.

25. Le Califat aura-t-il une constitution ?

Il n’y a aucune obligation d’avoir une constitution qui décrit les positions politiques spécifiques du dirigeant. Cela dit, comme les musulmans n’ont pas vécu sous le Califat depuis des décennies, et avec la propagation de la culture occidentale à travers les terres musulmanes, il serait avantageux que les principes clés que le Chef de l’Etat envisage de suivre soient établis comme lignes directrices générales dans une constitution, cela renforcerait l’État et la société. Chaque article de la constitution devra provenir des textes islamiques

Abou Youssouf